In mid-March, COVID-19 locked down most of Europe and Asia. For Sterimed, a 900-employee maker of high-end sterile medical packaging, this development brought mixed news. The sudden 40 percent increase in demand for its products was welcome, but ramping up production within its French plants posed a real challenge. One element was particularly thorny: Procuring protective masks for workers was impossible in France.
Because it refused to endanger its employees, Sterimed needed masks. Having sold its products to China for years, it quickly realized that one of its Chinese clients was indeed producing protective masks and could send several boxes of free samples, which didn’t infringe on China’s ban on the commercial export of masks. Sterimed ended up with more masks than it needed, and CEO Thibaut Hyvernat immediately thought he could pass them on. “I started calling my friends who run businesses and began sharing some of the spare masks,” he told us. Then, something struck him: “Instead of helping several dozen friends, I could help 20 million friends!”
Covid-19: patrons, contribuez au bien-être collectif, pour de bon!
Le Figaro, 4 juin 2020.
TRIBUNE – Auteurs de L’Entreprise altruiste (Albin Michel), Isaac Getz, professeur à l’ESCP, et Laurent Marbacher, consultant, montrent comment les entreprises peuvent créer de la valeur sociale sans sacrifier pour autant leurs profits.
Par Isaac Getz et Laurent Marbacher
Oui, vous avez bien lu: au cœur de la crise du Covid-19, Altho a décidé de payer ses fournisseurs plus cher qu’avant. C’était un choc: qui peut s’attendre à voir des entreprises se comporter ainsi? Et pourtant…
Selon un sondage OpinionWay daté du 20 mai 2020, 82% des Français refusent que les entreprises «s’occupent uniquement de la performance économique de leur activité», considérant qu’elles doivent également contribuer au bien-être collectif.
Dans notre livre L’entreprise altruiste nous avons raconté l’histoire d’un commercial qui avait des clients qui lui laissaient préparer sa commande tout seul. En echo, Frédéric Alles, qui a près de 25 années d’expérience en tant que commercial, a partagé avec nous son propre témoignage. Le voici.
Ma première fois—quand un client m’a laissé lui préparer sa commande tout seul
A dire vrai, je ne me rappelle pas vraiment quand c’est arrivé la première fois. Ni avec qui… C’est arrivé, c’est tout. Cette première fois dont je parle, c’est la première fois où un client m’a laissé lui préparer sa commande tout seul, sans contrôler ce que faisais.
Je suis commercial. Il y a quelques années, je travaillais pour un leader de l’industrie pharmaceutique et mes clients étaient des vétérinaires. J’exerçais le métier de délégué vétérinaire qui est en quelque sorte l’équivalent du visiteur médical en médecine humaine.
Commercial, c’est un métier qui comporte son lot de bizarreries. Chaque année, on se donne à fond pour atteindre des objectifs de vente, chaque année on a l’impression d’être allé au bout de ce qui est réalisable en terme de volume de vente ; et chaque 1er janvier on remet les compteurs à zéro et il faut faire mieux que l’année précédente ! C’est un système sans fin.
J’ai passé 17 ans dans cette industrie, et chaque séminaire de début d’année commençait par les mêmes mots : « L’année qui vient sera vraiment importante, …. ». En 17 ans, je crois que tout le dictionnaire des synonymes y est passé : « L’année qui commence sera vraiment importante / stratégique / décisive / charnière / capitale / essentielle / déterminante…. ».
Avant d’entrer en réunion, nous plaisantions parfois entre nous : « Tu crois que cette année sera importante ? »
C’est dans ce contexte de pression permanente et continue d’accroissement du chiffre d’affaire que j’exerçais donc mon métier. Mais ne nous méprenons pas. J’adore ce métier, pour la même raison qui fait adorer ce métier à l’immense majorité des commerciaux : les clients !
Rencontrer les clients, servir les clients, accompagner les clients ; c’est la récréation du commercial ! C’est pour ça qu’il fait ce métier. Personne n’est jamais devenu commercial parce que « c’est génial de remplir le CRM ! », « c’est super d’analyser des dizaines de KPI ! » ou « c’est tellement sympa de remplir ses notes de frais ! »
En revanche, appréhender les attentes de son client ou de son prospect, lui faire prendre de la hauteur par rapport aux décisions qu’il envisage, le convaincre que notre solution est la plus adaptée pour lui, l’aider à trouver des solutions pour satisfaire pleinement son besoin : ça c’est la partie plaisante du job ! Et il y a mieux encore : installer la confiance mutuelle, la reconnaissance mutuelle, rendre son vrai sens à l’expression « gagnant-gagnant » si souvent galvaudée.
J’ai depuis longtemps envisagé mon métier comme une activité de service. Ma vraie récompense, c’est la reconnaissance de mon client, sa confiance, parfois même son amitié. L’argent, les primes, les incentives n’étant que la conséquence de ces bonnes relations que je tisse avec mes clients.
Et ça marche… A tel point qu’une partie importante de mes clients me laissait remplir moi-même leurs bons de commandes.
Mon blockbuster était un célèbre anti-parasitaire contre les puces et les tiques pour les chiens et les chats. Notre politique commerciale consistait à leur faire prendre à nos clients une importante commande en début d’année, couvrant leurs besoins pour quasiment l’année entière. Et donc, à de nombreuses reprises, des clients m’ont fait confiance en me disant « Tu sais ce qu’on a commandé l’an dernier, regarde dans la réserve où en sont les stocks, et prépare nous une commande qui corresponde à ce dont on a besoin. »
Oui ça marche… Mais pour cela il faut avoir gagné la confiance de son client. Et pour gagner la confiance de son client, il faut quelques ingrédients indispensables.
En premier lieu, il faut faire preuve d’honnêteté et ne pas « sur-gonfler » un bon de commande, ce qui serait néfaste pour au moins trois choses : perte de la confiance de ce client pour les prochaines commandes sur ce produit stratégique, méfiance du client pour référencer de nouveaux médicaments, et réputation qui se dégrade auprès de nombreux clients du secteur car ceux-ci se connaissent bien et discutent entre eux… Mais ne pas « sur-gonfler » un bon de commande, c’est parfois aller contre les directives de ses managers et risquer de ne pas atteindre tous les KPI. Dilemme…
Et puis, comme ingrédient indispensable au développement de cette confiance, il faut du temps ! La confiance arrive en marchant et repart au galop. C’est vrai, il faut souvent plusieurs années pour installer ce rapport de confiance entre un client et un commercial. Tout le monde semble le savoir. Tout le monde semble être d’accord à ce sujet. Et pourtant… En 13 années passées chez mon dernier employeur, j’ai changé 7 fois de secteur ! (Dont une fois à ma demande pour des raisons personnelles, je me dois d’être honnête.) Cela veut donc dire qu’en moyenne, mes clients changeaient de commercial environ tous les 2 ans !
Pas la totalité des clients bien sûr, à chacun de ces remaniements le périmètre de nos secteurs évoluait de 30 %, ou 50 %, ou 70% ; très rarement de 100 %. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on pouvait parfois démarrer une année avec un secteur comportant 50 % de nouveaux clients, et 50 % de clients plus anciens. Et forcément, les performances étaient en règle générale meilleures sur les parties de secteur ou le commercial était déjà connu et apprécié plutôt que sur les parties de secteur où il devait bâtir une nouvelle relation.
Et donc, sur une partie de mon secteur, avec une partie de mes clients ; j’ai eu le temps de tisser une vraie relation de confiance.
Je crois (j’espère) qu’ils ont « senti » que je me mettais vraiment à leur service ; que dans mon esprit, très clairement leur intérêt passait avant le mien. Il m’est parfois déjà arrivé de conseiller à mes clients de réduire une commande qu’ils avaient préparée car j’avais la certitude qu’ils avaient surévalué leur consommation. Mais clairement, je sais que cette attitude m’a été bénéfique sur le long terme. Car je n’étais plus à leurs yeux un simple vendeur ; mais un partenaire, un conseiller… Et les bénéfices s’en sont fait sentir en plusieurs occasions. Par exemple, il m’est arrivé qu’un client me dise «on a été démarché par votre concurrent qui nous propose un générique de votre médicament… ils sont nettement moins chers, mais bon… on préfère continuer à travailler avec vous. »
Quand le soir on rentre chez soi après avoir eu ce type de retour, c’est extrêmement gratifiant, et c’est une immense source de motivation pour continuer à travailler ainsi.
LA CRISE VA-T-ELLE RENDRE LES ENTREPRISES PLUS ALTRUISTES ?
CONVERSATION AVEC ISAAC GETZ & LAURENT MARBACHER
LE MAGAZINE G. I .V. E., Mai 2020
Comment est né votre concept d’entreprise altruiste ? Laurent Marbacher : Ce concept vient d’un travail de recherche que nous avons mené pendant cinq ans. Nous nous sommes demandé : que se passe-t-il dans les entreprises où les relations à des interlocuteurs externes, que ce soient des clients
ou des fournisseurs, sont fondées sur un respect de l’autre, une prise de considération de l’autre en tant qu’être humain, au-delà du fait d’être un simple agent économique ? Cette recherche nous a menés à la fois à un travail d’investigation
et de recensement d’entreprises qui agissent différemment par rapport à tous ces interlocuteurs externes. Nous les avons visitées, nous avons rencontré les cadres dirigeants, les salariés, et parfois même les fournisseurs et clients. À partir de là, nous avons identifié un fil conducteur, un point commun à toutes ces entreprises : l’entreprise altruiste.
Nous avons publié récemment une tribune sur les PME qui ont transformé leurs activités afin d’aider la lutte contre le COVID-19. Cependant, beaucoup s’interrogent sur l’inaction de grandes entreprises. Sont-elles trop grandes pour pouvoir se transformer très vite ? Où peut-être, elles se soucient moins que les PME de l’intérêt général ? Comme élément de réponse nous publions ici un extrait de notre livre « L’entreprise altruiste » sur ce que Michelin a fait dans le passé pour l’intérêt général.
Ces grands groupes qui se mettent au service de l’intérêt général
Michelin est un des plus grands fabricants de pneus du monde. La marque est également connue pour ses quelques activités a priori annexes, dont le fameux Guide rouge, la référence en matière de classement de restaurants. Pourtant, classer des restaurants n’était absolument pas la finalité de ce guide qui a commencé à paraître en 1900 – le premier classement étant publié seulement en 1920. Auparavant, le guide contenait les informations nécessaires pour les automobilistes qui s’aventuraient hors des grandes villes : garages, hôtels, et surtout cartes et plans de villes. Cependant, même muni d’un Guide rouge et de cartes imprimées par Michelin, un automobiliste se heurtait à un obstacle de taille. Une fois la route choisie, il fallait encore la trouver sur le « territoire », alors que la plupart des routes en France n’étaient pas signalées. Ensuite, s’il parvenait à la trouver, il n’avait pas le moyen de savoir quelle distance il lui restait à parcourir jusqu’à sa destination finale, car aucun balisage n’existait. Enfin, en arrivant dans un bourg, il ne pouvait savoir s’il s’agissait du bon car aucun panneau ne l’annonçait. Pour les habitants locaux, qui se déplaçaient à cheval depuis des siècles, cela ne posait aucun problème. En revanche, pour les automobilistes en provenance de grandes villes – et clients de Michelin – cela tournait vite au cauchemar. Au début des années 1910, Michelin décida d’agir et c’est ainsi que le premier aménagement du territoire à l’échelle nationale vit le jour, non pas réalisé par un ministère public mais par une entreprise, qui s’est appuyée sur sa division de cartes et de guides. On peut encore voir sur des routes de France les bornes en forme de cubes et les panneaux que Michelin a déployés à ses frais.
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